
« Je n’aurais jamais cru qu’il y aurait autant de sang dans le corps d’une femme que dans celui d’un sanglier ».
Pitch
Une jeune dame de compagnie au service d’une patronne peu empathique tombe sous le charme d’un riche et ténébreux veuf, plus âgé qu’elle. Il l’épouse, sans grand tralala et la ramène dans son imposant manoir tenu par l’impressionnante gouvernante. Mais l’ombre de la défunte épouse plane sur la demeure, la parfaite, la sublime première femme, retrouvée noyée un an plus tôt. Difficile pour la jeune mariée, sans cesse comparée à sa prédécesseuse, de trouver sa place dans l’environnement hostile de l’immense manoir. Quand, une nuit, tout bascule, les pièces du puzzle commencent à s’assembler dans la tête de notre héroïne. Qui était réellement cette première femme défunte ? Sa mort est-elle un accident ? Un suicide ? Pourquoi la gouvernante voue-t-elle un « culte » à son ancienne patronne ? Pourquoi le propriétaire des lieux ne parle-t-il jamais de sa précédente épouse? Quel est le mystère qui entoure la maison et la plage?
Jeanne Dandoy puise dans la littérature néo-gothique et le cinéma de genre pour écrire cette pièce aux allures hitchcockienne.
La compagnie Seriallilith propose une version contemporaine, empouvoirante et féministe où il existe une justice pour les victimes d’emprise. Elle y remet en question l’amour romantique patriarcal, les rivalités féminines et l’obligation morale de vertu de toute victime.
Mystère, quête d’identité, renaissance, amitié féminine, rapports de classe, emprise, émancipation sont les ingrédients de ce thriller fantastique pop, une version décalée, angoissante et réjouissante d’une Cendrillon un peu godiche qui reprendrait le contrôle de sa vie.
Un thriller fantastique au réalisme magique ciselé, vénéneux et joyeux.
A partir de 15 ans.
Intentions
Nous croyons donc à la force de ce geste : donner le nom du crime, car donner le nom du criminel ne suffit pas, ce n’est pas un acte politique, ce n’est un acte qui ne protège de la reproduction du même qu’à court terme.
Ce spectacle traite d’un sujet encore largement sous-estimé, et surtout invisibilisé dans la littérature comme dans les arts visuels, le féminicide. Une majeure partie de la production audiovisuelle ou même théâtrale présente des œuvres mettant en scène le meurtre d’une (ou plusieurs) femme, sans jamais les désigner du nom approprié : féminicide.
Le spectacle débute comme une comédie romantique et prend peu à peu la forme d’un thriller fantastique, un conte noir, explorant les ténèbres afin d’en extraire la lumière. Notre héroïne ira puiser en elle une autre forme de résilience et d’empowerment…
Pourquoi les récits que nous lisons, visionnons, recevons, comportent-ils si peu d’histoires d’entraide entre les femmes ? Pourquoi semble-t-il si difficile de concevoir des amitiés féminines loin de rivalités stériles ? Pourquoi devrait-on être jalouse d’une ex jusque dans sa mort ? Comment trouver les ressources de son épanouissement dans la construction de réseaux de femmes solidaires ? Nous avons la conviction profonde que présenter d’autres schémas d’être au monde est un acte artistique révolutionnaire. Et cela passe aussi par la présentation de récits portés par des femmes portant secours à d’autres femmes, aimant d’autres femmes, renforçant d’autres femmes, ne rivalisant pas avec d’autres femmes. Et ceci, sous un female gaze précis, poétique et amoureux.
Un romantisme noir, presque gothique, mystérieux. Une quête haletante, complexe, mi-effrayante, mi-somptueuse. Le spectacle prend corps au sein d’une scénographie-manoir mouvante, à l’image de la maison hantée par les multiples visages de la défunte, sans jamais la révéler. Nous plongeons avec une délectation jubilatoire dans cette forme spectaculaire y semant trouble et frissons, sondant les bégaiements, le caractère ambigu et questionnant, avec la volonté toujours intacte d’arracher la lumière des ténèbres.
Regard féminin/female gaze
« Le male gaze au cinéma a été théorisé par l’universitaire Laura Muley8 en 1975. Il définit la façon dont le cinéma définit les personnages féminins comme des objets, en utilisant une approche psychanalytique. Selon Mulvey, les femmes dans les films sont regardées par la caméra, les personnages et les spectateurs. Les techniques du cinéma ont été construites autour du male gaze. De facto, le male gaze, c’est la convention. Elle s’aventure à la fin de son essai à imaginer une alternative à cette forme de cinéma, alternative que l’on nomme désormais le female gaze. Le female gaze n’est donc pas l’opposé absolu du male gaze comme on pourrait le croire. Ce dernier n’a d’ailleurs pas de réel opposé. Une femme tout autant qu’un homme, peut créer du male gaze au sein d’un film puisque nous avons tous baigné dans cette façon normée de représenter les choses au cinéma. De même que le female gaze n’est pas l’apanage des femmes cinéastes. Il n’en vient pas qu’à nous d’en créer au cinéma pour renverser la balance. Un homme peut faire du female gaze aussi bien qu’une femme. Le female gaze se présente donc comme une alternative où, attendez, écoutez bien, on propose de considérer les personnages féminins comme des sujets et non plus comme des objets beaux à regarder. Faire du female gaze c’est participer à la création d’un cinéma qui s’affranchit de ses conventions et les déconstruit. (…) Le « female » de female gaze ne fait pas référence à la personne qui crée ce regard mais à la personne que l’on va suivre. On va suivre un regard féminin. Il nous demande de nous metttre dans la peu des femmes plutôt que de les regarder. Il nous fait expérimenter le féminin.»
Laura Mulvey, Visual pleasure and Narrative Cinema, Edition Koening Book, 1975).
C’est guidé.e.s par l’essai essentiel d’Iris Brey que nous continuerons à développer un regard féminin sur les sujets et œuvres développées, de la manière la plus singulière et sensible possible. Nous la citons ici : « Si nous devions définir le female gaze, ce serait donc un regard qui donne une subjectivité au personnage féminin, permettant ainsi au spectateur et à la spectatrice de ressentir l’expérience de l’héroïne sans pour autant s’identifier à elle. La différence entre ressentir et s’identifier est capitale (…). Le female gaze, par conséquent, n’est pas un « portrait de femme », la question n’est pas seulement d’avoir un personnage féminin comme personnage central, mais d’être à ses côtés. Nous ne la regardons pas faire, nous faisons avec elle. (…) On peut dire ainsi que faire l’expérience du female gaze, c’est avoir la sensation de partager celle du personnage principal. Là où le female gaze devient genré, où il devient « féminin », c’est quand les spectateurs et spectatrices vivent ce que ressent une héroïne, un personnage de genre féminin. »
Crédits
Distribution
Sylvain Daï, Monia Douieb, Lou Joubert Bouhnik, Zoé Kovacs, Vincent Londez, Alexis Vandist, et avec la voix off d’Olivia Carrère
Adaptation, mise en scène et dramaturgie
Jeanne Dandoy
Assistanat à la mise en scène et conseillère dramaturgique
Judith Ribardière, Johanne Pastor
Scénographie
Matthieu Delcourt
Création Lumière
Alice De Cat
Stagiaire Lumière
César Assié
Création sonore
Olivia Carrère
Création costumes et maquillages
Emilie Jonet
Couturière
Albane Roche
Coiffures
Laetitia Doffagne
Chorégraphies
Samy Caffonnette & Zoé Kovacs
Régie générale
Michel Delvigne
Stagiaire régie générale
Mathis De Brouwer
Régie plateau
Céleste Alicot
Stagiaire régie plateau
Faye Gatteau
Régie son
Benoît Pelé
Régie lumière
Cristian Gutiérrez Silva
Stagiaires costumes
Construction décors
Vincent Rutten (et son atlier de construction), Laura Wolf, Fred Op de Beeck (avec Laura Wolf, Andrea Messana et Fred Vannes)
Chargée de production
Valentine Siboni et Jenifer Rodriguez y Flores
Diffusion
La Charge du Rhinocéros
Une production Seriallilith, en coproduction avec le Théâtre des Martyrs, La Coop et Shelter Prod, avec l’aide de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Administraion Générale de la Culture, Service Général de la Création Artistique, Direction du Théâtre, de Tax Shelter.be, du Tax Shelter du Gouvernement Fédéral Belge, avec le soutien du Théâtre de Liège (Atelier Costumes), de La Chaufferie Acte 1.
Extrait
JACK FAVELL
Et comment va ce vieux Max ?
NARRATRICE
Super bien. Il passe la journée à Londres.
JACK FAVELL
Il laisse sa jeune épouse toute seule ? Quelle imprudence ! On pourrait vous enlever. Vous pourriez disparaître mystérieusement. Etre sauvagement assassinée. Vous connaissez Sharon Tate ?
NARRATRICE
J’ai pas cette heu joie.
JACK FAVELL
Sauvagement assassinée. Elle était enceinte. De 8 mois. Une horreur. Il s’en passe des choses en l’absence des maris.
Extrait
NARRATRICE
(aparté)
Lorsqu’on subit un grand choc, comme la mort d’un proche ou la perte d’une jambe ou d’un bras, on ne s’en aperçoit pas tout de suite. Si on a la main sectionnée, durant quelques minutes, on n’a pas la conscience que sa main n’est plus là. On continue à sentir ses doigts. Je suis agenouillée là aux côtés de Maxim, mon corps contre son corps, mes mains sur ses épaules, et je n’éprouve aucune sensation, aucune douleur ni aucune peur, il n’y a aucun effroi dans mon cœur. Je regarde les chaussons élimés de Maxim et je me dis qu’il faut que je lui rachète une nouvelle paire de pantoufles, je me demande si Frith va entrer pour servir le thé. Je suis sidérée par mon manque d’émotion. Soudain…
Maxim embrasse fougueusement la Narratrice, avec dévotion.
Il ne m’a jamais embrassée comme ça.